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L’histoire d’un Français qui devint roi en Amérique

Photo du rédacteur: BarthélémyBarthélémy

Les micronations existent depuis longtemps, et ont pu servir des desseins politiques particulièrement importants, comme dans cet exemple sud-américain du XIXᵉ siècle.


dessin portrait Antoine de Tounens

Antoine de Tounens, un avocat périgourdin, a vécu l’une des aventures les plus incroyables. Parti en Amérique du Sud avec l’espoir d’y fonder son royaume, il y fut élu roi par les Mapuches en proclamant le Royaume d'Araucanie et de Patagonie. Son règne fut de courte durée, mais son héritage perdure encore aujourd’hui. Retour sur l’histoire fascinante d’un homme entre rêve, diplomatie et résistance.



L’histoire d’une rencontre hors du commun

carte territoire des Mapuches amérique du sud
Carte du territoire des Mapuches

Originaire de Dordogne, Antoine de Tounens part pour le Chili en 1858, animé par des idéaux politiques et une fascination pour l'Amérique du Sud. En octobre 1860, informé d’un soulèvement déclenché dans le sillage de la Guerre civile chilienne de 1859, il se rend en Araucanie pour rejoindre la lutte d’un peuple farouchement attaché à son indépendance : les Mapuches. 



Les Mapuches, dont le nom signifie en mapudungun “gens de la terre” (mapu = terre et che = gens, personne), ont toujours défendu leur indépendance face aux envahisseurs. Ces autochtones, qui vivent depuis des siècles dans cette région, ont résisté aux Incas, puis aux Espagnols. Au XIXᵉ siècle, les Mapuches font face à l’expansion de deux États voisins, issus de la décolonisation de cet Empire espagnol : le Chili et l’Argentine. Profitant d'une prophétie annonçant l'arrivée d'un "guerrier blanc" pour guider leur peuple, Antoine de Tounens parvient à les convaincre de l'élire roi.


La naissance d'un royaume

Le 17 novembre 1860, Antoine de Tounens proclame le Royaume d'Araucanie et de Patagonie et prend le nom d'Orélie-Antoine Ier. Ce royaume est officiellement fondé par les Mapuches, souhaitant structurer leur résistance face à l'avancée coloniale chilienne et argentine. Antoine de Tounens instaure une constitution, un drapeau bleu-blanc-vert, et tente d'obtenir une reconnaissance internationale. Mais ce rêve est de courte durée : en 1862, il est capturé par l'armée chilienne, jugé fou et expulsé vers la France.




Un combat sans relâche


Déterminé à reprendre son trône, il organise trois expéditions pour retourner en Araucanie, cherchant à rallier de nouveau les Mapuches contre l'envahisseur. Cependant, les territoires mapuches sont progressivement annexés par le Chili et l'Argentine, mettant fin à tout espoir de restauration du royaume. Ruiné et oublié, Antoine de Tounens meurt en 1878 à Tourtoirac, en Dordogne.





Un héritage toujours vivant

Suite à l'expulsion en France d'Antoine de Tounens en 1862, le Royaume d'Araucanie et de Patagonie ne fut jamais reconnu par les États chiliens et argentins. Cependant, la lignée royale s'est poursuivie en exil, en France, où plusieurs prétendants au trône ont maintenu la mémoire et les revendications du Royaume. Aujourd’hui, ce royaume détient une portée symbolique et culturelle, qui est portée par la Maison royale d'Araucanie et de Patagonie. En 2024, Philippe III est élu par le Conseil de Régence afin de représenter cette continuité. Il entretient des liens avec les communautés Mapuches en Amérique du Sud et en Europe et agit par le biais de l’ONG Auspice Stella, reconnue avec un statut consultatif spécial auprès de l’ONU, et œuvrant pour la défense des droits du peuple Mapuche.


Une figure majeure des micronations

L'histoire d'Antoine de Tounens illustre parfaitement le principe de légitimité par adhésion, fondamental pour les micronations modernes. Son accession au trône d'Araucanie et de Patagonie, bien que non reconnue par les puissances coloniales, repose sur le soutien et l’acceptation des Mapuches qui voyaient en lui un leader capable de structurer leur résistance. Ce type de légitimité, décrit notamment par Max Weber dans sa typologie des dominations, rapproche son règne de la légitimité charismatique, où l'autorité repose sur une figure inspirante plutôt que sur des institutions établies.

De nombreuses micronations contemporaines fonctionnent selon ce même principe : elles ne bénéficient pas d'une reconnaissance officielle par des États souverains, mais elles existent grâce au soutien de leurs membres et à la structuration de leurs propres institutions internes. Comme ces entités modernes, le Royaume d'Araucanie et de Patagonie a survécu grâce à une reconnaissance endogène et un héritage culturel entretenu par ses partisans.  L'audace et la vision d'Antoine de Tounens en font ainsi une référence incontournable pour les États non reconnus et les micronations.

Les micronations ne suivent pas un modèle unique. Comme le montre cet exemple, certaines peuvent naître d'une quête de souveraineté politique, et d'autres d'une volonté culturelle ou symbolique. Elles peuvent émerger dans des contextes variés, à travers les époques et les continents, façonnant ainsi une mosaïque d’expériences autonomes et d’identités distinctes.


La cause Mapuche : Une lutte toujours actuelle

Il est essentiel de distinguer un État, institution politique, et une nation, réunie par une langue, une culture et une histoire communes. Si le Royaume d'Araucanie et de Patagonie n'est plus qu'une relique du passé, la Nation Mapuche existe toujours et continue de lutter contre l'assimilation forcée et la destruction de ses terres et traditions par les gouvernements chiliens et argentins.

Pour en savoir plus : www.araucanie.com



Photo Région de l'Araucanie, Chili
Région de l'Araucanie, Chili



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